Textes
Des grands classiques, des moins connus, des inédits...
Quelques leçons de vie du grand Jacques, d'après une interview donnée à Knokke en 1971... Il faut s'entendre sur le mot « réussir ». Moi je crois qu'on ne réussit qu'une seule chose : ses rêves. On a un rêve que l'on essaye de bâtir, de structurer. Alors, dans ce sens-là, il est exact que j'ai travaillé beaucoup pour réussir mon rêve, bien évidemment. Or ce rêve n'était, à ce moment-là, pas même de chanter, pas du tout : c'était de projeter mon rêve à l'extérieur - ce qui est un phénomène de compensation. Finalement, on raconte ce qu'on rate ; on raconte ce qu'on arrive pas à faire. C'est un phénomène de compensation, et j'ai voulu réussir ce phénomène.
Parce que je suis convaincu d'une chose : le talent ça n'existe pas. Le talent, c'est avoir l'envie de faire quelque chose. Je prétends qu'un homme qui rêve tout d'un coup de manger un homard, il a dans l'instant le talent pour le savourer convenablement. Et je crois qu'avoir envie de réaliser un rêve, c'est le talent ; tout ce qui reste, c'est de la sueur et de la discipline. Je suis sûr de ça. L'art, je ne sais pas ce que c'est ; les artistes, je ne connais pas. Je crois qu'il y a des gens qui travaillent à quelque chose, avec une grande énergie. Je crois qu'en fait un homme passe sa vie à compenser son enfance. Je m'explique. Je crois qu'un homme se termine vers 16-17 ans ; il n'y a pas de loi générale mais vers 16-17 ans, mettons 20 ans, un homme a eu tous ses rêves. Il ne les connaît pas, mais ils sont passés en lui. Il sait s'il a envie de brillance, de sécurité ou d'aventure. Il ne sait pas bien, mais il a ressenti le goût des choses comme le goût du chocolat ou de la soupe aux choux. Et il passe sa vie à vouloir réaliser ces rêves-là. Je crois aussi que l'homme est foncièrement un nomade ; l'homme n'est pas un sédentaire. Je crois savoir - mais ce n'est pas prouvé - que le mot « vilain », au Moyen Âge, voulait dire « un homme qui habitait la ville ». Je trouve ça assez bien. Je n'aime que la campagne. J'ai besoin d'horizon. Je ne déteste pas New York, je déteste y être, ce qui est très différent ; je n'y suis pas très heureux. Je n'aime pas vivre à Paris non plus. L'homme est fait pour se promener, pour aller voir de l'autre côté de la colline. « Un jour tu vivras heureux et sans problèmes dans une petite maison, avec un petit jardin, avec un petit fauteuil et un petit poste de télévision, avec une petite pension etc. » : voilà l'espérance que l'on met dans la tête des gens. C'est abominable ! Oui, toute sa vie, je crois, un homme normal rêve de ficher le camp dans une espèce d'aventure. Même si le gars est fonctionnaire depuis 40 ans : quand on le voit un soir et qu'il essaie de se libérer un peu, il vous dit « j'aurai voulu être pilote, j'aurai voulu être machin »... Tous les hommes ont envie de faire quelque chose. Et les hommes sont malheureux que dans la mesure où ils n'assument pas les rêves qu'ils ont.
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Et à ne pas oublier :Hélie Denoix de Saint Marc, « Que dire à un jeune de 20 ans », récité par Jean Piat
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Août 2022
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