Textes
Des grands classiques, des moins connus, des inédits...
« Lettre à un jeune engagé » de l'ancien chef d'état-major des armées, publiée le 7 juillet 2017. Mon cher camarade,
Il y a autant de motivations pour s’engager sous les drapeaux, qu’il y a de soldats, de marins et d’aviateurs. Souvenez-vous de votre première chambrée ou de votre premier poste… Il existe cependant certaines constantes, parmi lesquelles, bien sûr, le goût de l’aventure. Un de mes prédécesseurs, le général Henri Bentégeat, a parfaitement exprimé ce que, finalement, nous vivons : « Tribu nomade au territoire incertain et dont l’erratique transhumance obéit à des règles obscures et impérieuses, les militaires sont de perpétuels errants ». Celui qui choisit d’embrasser cette vie d’errance renonce librement au confort de l’assurance. L’imprévu devient son compagnon de route. La surprise est de toutes ses aventures. Là réside, précisément, une part essentielle de la spécificité du métier. Qui dit errance, dit étonnement permanent. Émerveillement, aussi ; que ce soit devant la magie des espaces lointains ou devant le talent caché du camarade, qui – d’un coup – se révèle. La surprise est le sel de la vie militaire. Elle lui donne sa saveur, souvent ; son âpreté, parfois, car surprise et facilité ne font jamais bon ménage. Il y a, cependant, une exception où la surprise se transforme en poison : c’est quand elle émane de l’adversaire. Au combat, être surpris par l’ennemi, c’est être presque pris. C’est d’autant plus vrai lorsque l’effet de surprise dure et provoque la sidération. « Ne pas subir ! ». La devise du maréchal de Lattre est un antidote salutaire. Qui l’oublie s’expose. Celui qui n’écoute que ses certitudes s’engage sur la pente funeste qui conduit à la défaite. Combien de chefs, grands et petits, se sont laissé aveugler par ce qu’ils tenaient pour des évidences. Ils se sont laissé surprendre sur le lieu, le moment ou les modalités ; et parfois les trois en même temps. Pour ne pas être surpris, il faut agir en sûreté. Autrement dit, prendre toutes les dispositions nécessaires pour réduire le champ des possibles de l’ennemi. C’est la raison pour laquelle le renseignement est si déterminant : il ouvre sur la connaissance et permet l’anticipation ! Mais ne pas être surpris ne suffit pas. Il faut aussi surprendre ! Être là où nous n’aurions pas dû être, au moment où ne nous ne pouvions pas l’être… C’est pourquoi, il nous faut travailler sans cesse à une meilleure flexibilité et à une plus grande vitesse d’exécution. Prévoir tout en étant imprévisible, telle est notre équation. Une équation quasiment insoluble, lorsque l’ennemi choisit de mépriser toutes les règles les plus fondamentales ; celles que, de notre côté, nous observons et qui font notre honneur. Aux moments de découragement, toujours possibles, rappelons-nous qu’in fine, l’honneur surprend le lâche ; la vérité confond le menteur ; la droiture sidère le fourbe ; la force triomphe du fanatique ! Pour surprendre, soyons pleinement conscients de nos propres forces et confiants en nos atouts. La confiance qui sera le thème de ma prochaine lettre. Fraternellement, Général d’armée Pierre de Villiers
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