Textes
Des grands classiques, des moins connus, des inédits...
texte écrit pendant la Seconde Guerre mondiale, qui résume l'idéal que chaque patrouillard doit avoir au cœur. [...] Les « grandes personnes » seront probablement mécontentes, car ces pages sont tristes, tristes comme la guerre qu'elles perdirent. Sans doute prétendront-elles que ce livre « n'est pas fait pour des enfants ».
Or, je pense, moi, qu’un garçon de quinze, seize, dix-sept ans est un garçon. C’est-à-dire un homme. Je pense qu’il n’y a pas de raison de le traiter à la paix autrement qu’à la guerre. De le traiter dans sa maison autrement qu’en ces jours de 40 où il courait dans les champs. De lui cacher la vérité. Je pense qu’il peut tout comprendre aussi bien, mieux peut-être, qu’une « grande personne » - précisément, parce qu’il allie pour un temps très court la générosité de l’enfant à la vigueur de l’homme. Parce qu’il sait ce qu’on lui cache et n’en dit rien. Si j'ai peint des maîtres indignes, des officiers fuyants, ce n'est ni pour le plaisir de me faire mal à moi-même, ni par dénigrement imbécile, mais pour qu'ayant connu le visage de la vérité, pour qu'ayant vu la bravoure des uns payer la lâcheté des autres, la grandeur des petits racheter la vilenie des grands, la ténacité d'une poignée sauver l'honneur de tous, nos garçons serrent un peu les dents et se promettent de faire mieux que leurs parents. Pour que, songeant à la mort d'Eric, mort obscure, inutile mais non pas inféconde - au destin de Christian, symbole des prisonniers, ils sachent qu'ils doivent rebâtir la France d'aujourd'hui et non la France de demain. Pour qu'ils sachent que le voilà bien passé, le temps des seuls thèmes latins. Qu'il est l'heure de fermer les poings, l'heure d'interroger leurs pères - ou d'autres hommes si ceux-ci ne répondent rien. * * * Ouvre les yeux sur l'Europe : devant ces Allemands orgueilleux de l'être, ressuscite la France. Crois au travail, à l’intelligence, à la force. Sors de l’humilité. Son manteau brun couvre plus de poltrons que de saints. « Bienheureux les humbles ! » a dit le Seigneur. Sois tranquille : ceux qu’il nomme ainsi ne sont pas des fainéants. Toi, deviens un conquérant. Fini le temps des études surveillées. Ton labeur, surveille-le toi-même, garçon. Nous autres, nous sommes déjà vieux. A toi le flambeau. Mais diras-tu, quel est le devoir, quelle est la vérité ? Ton devoir, c’est de mieux t’instruire ce matin pour mieux servir ce soir. Rappelle-toi la devise des Saint-Cyriens : « Ils s’instruisent pour vaincre ». Ne travaille pas seulement en vue des examens ; Forme ton caractère. Adopte une règle et suis là. Ne sois pas un bouchon ballotté par les flots, un navire sans gouvernail. Affronte la mer et prends la barre. Fais-toi des amis. Réunis une équipe. Dès maintenant, sache à quel poste tu serviras demain. Quelle est la vérité ? Dans le noir il est difficile de saisir son visage. En ce jour de deuil, la vérité pour toi c'est d'abord d'être Belge ou Français. Les jours vont vite, les années roulent. Avant d'être un homme, apprends à regarder les grandes personnes en face. (Avertissement au lecteur, janvier 1943)
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Août 2022
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